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ARTE.TV – À LA DEMANDE – REPORTAGE
A l’ombre des sommets himalayens, les habitants de la vallée de Lunana, dans le nord du royaume du Bhoutan, savent que leurs maisons de bois seraient emportées si la fonte des glaces s’accélérait. Le glacier Thorthormi, en amont, fond rapidement, faisant monter le niveau du lac du même nom. Juste en dessous, un autre lac, plus petit, n’est séparé du premier que par un amas de roche et de glace, qui pourrait lui aussi disparaître, laissant le Thorthormi s’écouler sur la vallée.
« La question n’est pas de savoir si ça va se produire ou pas… Il est certain qu’une énorme quantité d’eau va se déverser dans la vallée. Comme lors d’un tsunami, ce serait le même scénario que dans l’océan, avec des vagues immenses », prévient Karma Toeb, glaciologue bhoutanais emmitouflé dans une doudoune bleue, dans le reportage Bhoutan : le royaume vert himalayen.
Lumière éclatante, sommets enneigés, lacs bleus, vallées verdoyantes, les paysages du Bhoutan ont de quoi faire rêver, entourés de pics atteignant 7 500 mètres. Mais les images rapportées par Antoine Védeilhé et Germain Baslé sont aussi belles qu’inquiétantes pour l’avenir de ce petit Etat isolé au milieu des montagnes et coincé entre deux géants, la Chine, premier pollueur au monde, responsable de 30 % des émissions de CO₂, et l’Inde, le troisième, avec 7 %.
Le petit royaume du Bhoutan, au contraire, est l’un des trois pays au monde à capter plus de CO₂ qu’il n’en émet. Grand comme la Suisse, il doit ce succès à ses épaisses forêts, qui couvrent 70 % du territoire, et à sa population modeste, qui atteint 786 300 habitants. Mais aussi à une production d’électricité exclusivement hydraulique.
Les barrages sont soumis, eux aussi, à la pression du climat : ces deux dernières années, les ressources en eaux baissent, car les pluies de la mousson sont plus tardives et moins généreuses. Un problème à la fois environnemental et économique, car le Bhoutan exporte une partie de son électricité vers l’Inde. Mais, pendant la saison sèche, au contraire, le pays est de plus en plus souvent obligé d’acheter auprès de son voisin du sud une électricité produite par des centrales à charbon.
Comme de nombreux pays en développement, le Bhoutan subit les conséquences du changement climatique, dont il n’est pas responsable. Ce reportage d’Arte présente justement un Etat qui place la protection de l’environnement au centre de ses préoccupations. Le royaume veille sur ses forêts, en luttant notamment contre les coupes sauvages, et enseigne le respect de l’environnement à l’école, où chaque élève prend soin d’un jeune arbre pendant sa scolarité. L’environnement est d’ailleurs un élément pris en compte dans le fameux indice du « bonheur national brut » mis en avant par les dirigeants du pays pour créer une alternative avec le produit intérieur brut, purement économique.
Le reportage a aussi le mérite de présenter un pays peu connu, qui limite volontairement le tourisme au moyen d’une taxe quotidienne de 100 dollars. Derrière la beauté et la spiritualité qui s’en dégagent, les scènes tournées dans un lycée de la capitale, Thimphou, où les étudiants semblent réciter des maximes apprises par cœur quand ils s’expriment au sujet de l’environnement, donnent l’impression que la démocratisation amorcée en 2008 par ce royaume bouddhiste n’est pas encore ancrée dans la culture locale.
Bhoutan : le royaume vert himalayen, d’Antoine Védeilhé (Fr., 2024, 25 min). Disponible jusqu’au 13 novembre 2027.
Simon Leplâtre
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